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écologie

  • Green Geek

    Interpollu-da172.jpgIl est bon de temps à autre de se lancer dans une petite séance d'onanisme intellectuel, sous la forme d'articles pseudo-polémiques sous documentés et moralisateurs. De par ma "formation", et aussi en raison d'une affinité naturelle avec la fumisterie, il s'agit d'un exercice dans lequel j'excelle en temps normal. Las à force de glander je commence à souffrir d'un ankylosement neuronal. J'ai donc décidé d'entamer une thérapie par la note fondée sur une analyse prétendument introspective de mes propres comportements et tendances moralisatrices, ainsi qu'une esquisse sur la relation entre mes pairs, couramment répertoriés comme un sous-genre du "geek" affilié aux jeux à savoir les "gamers", et les questions environnementales et citoyennes. Vous trouvez cela pédant et superfétatoire? Bah tant pis pour vous!!! Bon allez puisque c'est vous je pose la problématique en des termes plus racoleurs: le geek est-il l'avenir de nos sociétés ou n'est-il que le descendant hype du beauf?

    La raison première de cet article tient en une contradiction particulièrement flagrante entre certains préceptes que je défends et mes propres pratiques. En effet c'est bien joli de cracher sur les beaufs en bagnoles, les industries polluantes, les lobbys, les connards de droite, Claude Allégre, la vente d'armes, la pollution des océans et des habitats naturels... bref sur à peu près tout et n'importe quoi! Il n'en demeure pas moins que de mon côté je passe mes journées et mes soirées collé à un ordinateur ou une console, généralement vieux de moins de 2 ans, à jouer à des jeux vendus dans des boites plastiques, et en me sustentant à l'aide de produits non bio et gras dans des emballages de merde, issus d'un mélange improbable de misère humaine, de déforestation, de guerres et de modifications génétiques! Il faut savoir balayer devant sa porte avant d'aller la ramener ailleurs.

     

    Envisager les problèmes en dynamique et à une échelle globale

     

    Un de mes profs de sociologie à Singapour organisait un séminaire intitulé "Social problems in a global context" où l'on apprenait que nombre des phénomènes que l'on vit au quotidien trouvent leur origine plusieurs milliers de kilomètre en amont, sous un aspect beaucoup moins lissé et présentable que le produit fini. Ainsi le recours massif à des nounous sri lankaises  dans des pays européens, sponsorisé par le gouvernement sri lankais, peut conduire à un abandon massif des enfants locaux  dans des institutions ou dans leur familles qui risque à terme de nourrir de nouvelles rancoeurs envers ces même pays. Pour s'occuper de nos gosses nous contribuons  donc à séparer des années durant d'autres familles. Pourquoi cette digression me direz vous? Tout simplement pour illustrer que l'on a souvent une vision statique des phénomènes nous concernant en n'envisageant que les bénéfices ou inconvénients immédiats sans prendre en considération les dimensions spatiales et temporelles. Ainsi notre conception du monde, sous l'effet notamment des médias, se focalise sur le ponctuel, l'évenementiel plutôt que sur le structurel. En gros nous participons tous plus ou moins inconsciemment à des problèmes sociaux et environnementaux dans le monde. Dès lors, la réplique censée tuer est généralement de cet acabit: "Bravo t'as trouvé ça tout seul? Tu vas changer le monde peut être? Alors ne viens pas nous faire chier!". Et sur la plupart des sujets la discussion est considérée comme close afin d'enterrer ces considérations déplaisantes dans les tréfonds obscurs de notre conscience.

     

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    Nous le faisons tous régulièrement dans pas mal de domaines et il s'agit manifestement d'une sorte de mécanisme de défense. ll n'est donc pas question ici de jeter la pierre à qui que ce soit! Néanmoins l'aveuglement dont l'industrie électronique et son public, à savoir nous autres pauvres geeks, font preuve donne à réflechir! La situation est à ce point grave qu'on s'imagine que la dématérialisation ne consomme ni énergie, ni ressources et que jeter sa vieille console ou son PC obsolète au bout de deux ans (sans compter les composants  du type carte graphique) ne prête nullement à conséquences. Un jour je reviendrais sans doute sur le mythe de la dématérialisation entretenu par Internet. Quid des installations des serveurs, de la géopolitique des serveurs DNS, des matériaux utilisés dans le cablâge et l'entretien? C'est virtuel on te dit, donc c'est forcément écolo et réglo!

     

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    La corne d'abondance: un mythe révolu?

    La racine du problème selon moi est la loi de Moore sur l'électronique, tour à tour enthousiasmante dans les années 60 et inquiétante en 2010 ! Celle-ci prédit que la puissance des puces électroniques doublera tous les deux ans environ. Cette tendance s'est globalement vérifiée jusqu'à présent et il est prévu qu'elle dure pendant au moins une dizaine d'années encore. Sur le plan technique c'est fantastique bien sûr ! Nos machines actuelles supplantent les super calculateurs de l'époque! On jouit de graphismes et d'une capacité de mémoire sans cesse plus performants qui nous ouvrent des posssibilités infinies! Seulement voilà on ne fabrique pas des puces avec de l'air et des ordinateurs avec de belles paroles... L'électronique est une sorte de culte de l'éphémère poussé à l'extrême où il faut toujours tout renouveler, gagner en puissance... Il est aisé de devenir has been ou incompétent si l'on ne consomme pas de nouvelles technologies à un rythme effrené sans avoir pour autant épuisé les possibilités  de la précédente. Par effet d'entraînement cela créé des masses de thunes sur un marché florissant qui confère  l'impression tenace chez le consommateur d'être cool! Voilà qui a de quoi susciter bien des convoitises et anésthésier bien des consciences.

     

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    L'industrie du jeu vidéo et celle des portables sont à l'image de ce fantasme auto-entretenu de la corne d'abondance technologique.  Changer de machines pour 3 pixels et un shader en plus, ou "parce que le nouveau téléphone il est de Apple et il est trop beau" sont autant de pratiques jugées légitimes dans le monde des geeks et des férus de technologie. Les ennuis commencent lorsque l'on commence à se poser la question du bilan carbone de la chose, et même pour climato-sceptiques endurcis, de la consommation de matières premières intervenant dans la fabrication de nos objets chéris. Ces matériaux constitués essentiellement de minerais plus ou moins rares sont loin, très loin d'être inépuisables! En effet, les estimations les plus pessimistes tablent sur un épuisement dans les vingt années à venir d'une partie des minerais rares et sur une hécatombe pour l'ensemble de la fillière d'ici quelques décennies ( 1.)! Il y a bien sûr la solution du recyclage mais la miniaturisation des équipements actuels rend celui-ci de plus en coûteux et polluant, d'autant que l'obsolescence des équipements intervient rapidement ce qui conduit à brûler le tout pour récupérer d'infimes quantités de matériaux précieux(2.). Une autre solution envisageable serait d'utiliser de nouveaux matériaux dans la conception du matériel életronique, mais cela reviendrait concrétement à déplacer le problème, d'autant que les options ne sont pas illimitées.

     

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    L'électronique n'a pas d'odeur

    Plus grave encore, il est à craindre que notre appétit dévorant pour l'électronique ne soit à l'origine des nouveaux conflits et drames humanitaires de ce siècle au même titre que le pétrole ou l'eau potable. La situation au Congo dans la région du Kivu est emblématique de ces nouvelles dérives: la maîtrise des minérais précieux tels que le coltane, utilisé dans la fabrication de matériel électronique, suscite de nouvelles rivalités entre des chefs de guerre soutenus plus ou moins ouvertement par des grands groupes et des pays tels que la Chine ou les puissances occidentales. Qui est-ce qui trinque? Les populations bien entendu! Je ne vais pas vous retracer toute l'histoire du conflit, d'une parce que j'aurais peur de m'y perdre ou de me laisser entraîner par le maelström de rumeurs afférantes, de l'autre parce que l'idée principale est que pour sécuriser un marché prometteur comme l'électronique (ordinateurs, consoles, mobiles) , on est visiblement prêts à se salir les mains dans la plus grande indifférence.(3.)

     

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    Quand bien même cela ne donne pas lieu à un conflit armé, les méthodes d'exploitation de ces minerais sont souvent délétéres pour l'environnement et les hommes qui y travaillent. Bien sûr on trouvera toujours des zigotos pour nous ressortir la veille soupe selon laquelle cela va permettre à ces pays de se développer, de créer de l'emploi et de la richesse pour enfin sortir ces pauvres gens de la misère. C'est pas comme si on nous ressortait la même tirade depuis des décennies, pour un résultat in situ plus que désastreux et des pays qui nourrissent des rancoeurs terribles et durables envers ceux qui les ont dupé afin de s'engraisser à leur dépens! Non plus jamais ça ma bonne Dame! Ce coup-ci nous serons irréprochables! La Bolivie et ses gisements de lithium sont un nouvel eldorado et tout le monde y croit! Permettez moi d'en douter, libre à vous d'en penser ce que vous voulez cependant!

     

    Bien entendu, la massification de l'informatique et de la téléphonie mobile à une échelle mondiale ne font qu'accentuer ces phénomènes et la question que l'on se pose logiquement est de savoir si l'on peut décemment cautionner le fait de communiquer et de jouer avec tout ce sang sur les mains. Une fois encore c'est déjà le cas pour les fringues, les bagnoles, la bouffe et tout un tas de choses du quotidien. Alors une de plus ou de moins on s'en cogne me direz-vous! Autant pisser dans un violon, mais on est idéaliste ou on ne l'est pas! Voyons cependant si dans le meilleur des mondes possibles, un espoir serait permis et des solutions envisageables!

     

    Vers un changement de mentalité? Plaidoyer pour que le geek ne soit pas qu'un "néo beauf"!

    J'entends d'ici les commentaires lapidaires (quoique ici les commentaires ne se bousculent pas ^^) sur mon affiliation aux gourous du GIEC, ma mentalité de petit bourgeois hypocrite, mes machinations diaboliques pour nous faire retomber à l'âge de pierre en nous culpabilisant tandis que de mon côté j'irais siroter des cocktails lors de colloques! Hé bien tout ceci est vrai mon brave! Je vous suggère par ailleurs de commencer à aiguiser votre silex dans une forme phallique car bientôt nous autres grands conspirateurs allons vous l'enfoncer dans le cul!! Mouhahaha!

     

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    Plus sérieusement à un moment ou à un autre il serait salutaire de reconsidérer certaines de nos pratiques et la façon dont nous envisageons notre rapport à la technique. Aujourd'hui, pardonnez moi l'expression, mais à l'instar des automobilistes il y a de cela quelques années ( ce n'est pas révolu loin s'en faut mais il y a du mieux je l'avoue) on est dans la logique de celui qui a la plus grosse! Pour avoir roulé ma bosse sur pas mal de sites d'informatique et de jeux vidéos je peux vous dire que la mentalité dominante est à mon sens assez puante. Une forme d'élistime technique prédomine en effet avec un rejet et un mépris pour les technologies jugées inférieures car n'utilisant pas le quadruple pixel shader à double buffering du moment. Dès qu'un jeu, qui en toute logique devrait tourner convenablement sur la majorité des machines, n'est pas suffisamment optimisé c'est obligatoirement la faute de ce sale con d'utilisateur lambda qui n'a pas la dernière machine de compétition. A l'instar du tuning, on n'est un vrai geek ou gamer qu'en trifouillant sa machine pour la rendre plus puissante mais aussi plus gourmande en ressources. Cela induit une pression financière certaine et tout ce qui est vieux de plus de 2 ans est considéré comme de la merde et mis au rebut!

     

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    Le gamer est donc constamment pris au piège par l'évolution technologique ! Quant aux développeurs , ils ne prennent pas en compte l'ensemble du parc existant lorsqu'ils font un jeu, mais le destine en priorité aux meilleures machines du marché! C'est à nous pauvres utilisateurs de nous adapter et certainement pas à eux! Ralentir et prendre son temps apparaît comme une hérésie en la matière. Le gamer, le "vrai" est fier de son engin et ne s'en cache pas! Des questions comme la performance énergétique, la traçabilité et la toxicité des composants, la provenance des matières premières... sont à des années lumières des préoccupations du geek lambda.

    Si encore tout cela était pour le mieux et garantissait des jeux de qualité... Las de nos jours une simple démo technique ,avec un scénario famélique (parfois douteux dans ses inspirations) et un gameplay creux, suffit à satisfaire certains joueurs si fiers de leur configuration. L'innovation, la durée de vie, la prise de risque sont affreusement malmenées ces dernières années au point que je commence à soupçonner les éditeurs de sortir de nouveaux jeux magnifiques mais bâclés uniquement pour nous pousser à changer de matériel. Un produit avec une durée de vie de 2 ans , voire de quelques mois pour les plus endurcis, voilà en somme ce que l'on nous propose sans que l'on ne bronche plus que ça.

     

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    Le jour où de nouveaux critères de qualité dans la sélection d'une machine, tels que son respect de l'environnement et des droits de l'Homme , seront aussi déterminants que la mémoire vive et la cadence du processeur , on aura fait un grand pas en avant! Ces indicateurs restent encore à inventer pour la plupart (le bilan carbone est trop limité selon moi) et je n'ai pas de pistes sérieuses pour leur élaboration ...Mais ça urge madame la marquise! Sur une note un poil plus personnelle, des jeux avec un accent davantage porté sur le contenu et la durée de vie que sur les effets spéciaux pour en mettre plein la vue, seraient également  les bienvenus. Voir un tel potentiel artistique foutu en l'air par des logiques financières de merde c'est désolant!

    Des efforts pour rendre l'informatique plus "verte" (4.) et pour faciliter le recyclage des déchets électroniques (5.) sont en cours, bien sûr, mais j'ai peur que cela ne relève davantage de l'effet d'annonce pour se faire une bonne pub, que d'une volonté profonde et sincère de changer les choses. Espérons pour le sort de la planète que je me trompe! ;)

     

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    Voilà il s'agit manifestement d'un pavé que bien peu auront lu jusqu'à ce stade tant mon style est laborieux! J'ai conscience de partir en croisade contre des moulins à vent et de donner quelques coups d'épée dans l'eau! Rassurez vous je ne songe pas encore à une reconversion en khmer vert , en grande partie parce que je ne suis pas végétarien et que j'adore secrétement le béton et le dioxyde de carbone. J'ai également des chaussettes en peau de koala, un manteau de gorille et un porte feuille en peau de couilles de thon rouge, mais n'allez surtout pas le répéter à qui que ce soit! Sinon pour répondre à la problématique initiale, le geek à l'heure actuelle est bien mal placé pour donner des leçons à qui que ce soit! Merde moi qui me croyais meilleur que ces connards en hummer,snif!

     

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    (1.) Voir à ce sujet cet article sur le site de Eco info , un collectif sur la relation entre l'électronique et le développement durable. http://www.eco-info.org/spip.php?article129

    (2.) Voir à ce sujet un entretien d'une ingénieur de l'ADEME: http://www.journaldunet.com/solutions/0612/061211-enquete-informatique-verte/interview-sarah-martin.shtml

    (3.) Pour une vision synthétique voir cet article de rue 89 :  http://www.rue89.com/kongolais/2008/11/27/guerre-au-kivu-vrais-enjeux-et-questions-sans-reponse?page=1 . Si vous souhaitez davantage de détails, des sites sur le droits de l'homme ou l'article wikipédia (oui je me foule pas je sais) pourront sans doute vous éclairer davantage.

    (4.) http://www.journaldunet.com/solutions/0612/061211-enquete-informatique-verte/sommaire.shtml

    (5.) La directive DEEE (déchets équipements électriques et électroniques) du 27 janvier 2003 notamment : http://www.lne.fr/publications/directives/02-96.pdf