Les brumes de l'abîme : chapitre 2 (partie 1)
Chapitre second
Les caravanes ne sont plus ce qu'elles étaient! Voila ce à quoi songeait Zacharius Ombrecieux, grand mage de son état, pendant qu'il arpentait les sentiers boueux de la forêt de Jade. Sa robe de mage était maculée de terre et son bâton s'enfonçait toujours plus profondément dans la boue à chacun de ses pas. Deux jours auparavant il avait pris la route à bord de la caravane d'un marchand nain. En tant que passager il avait dû débourser une somme relativement importante pour rejoindre Flavia et sa tour de sorciers. Malheureusement le convoi avait été attaqué par une troupe d'ogres grognons qui déblatéraient des injures peu flatteuses dans leur langue. Ces derniers passaient près de la caravane quand Zacharius leur avait proposé un de ses savons magiques, pour qu'ils lavent l’infâme puanteur qui l’incommodait pour sa concentration. Les ogres susceptibles, l'avaient très mal pris et avaient tué tous les membres de la caravane, à l'exception du mage qui avait eu tout juste le temps de se téléporter à quelques kilomètres. Résultat de toutes ces péripéties: il se retrouvait perdu en forêt, sans provisions, sans ses grimoires, sans ses cartes et surtout SANS ses savons magiques! Il était tout crasseux et cela l'insupportait terriblement. Et un mage en colère n'est guère sympathique, déjà qu'en temps normal... Cela faisait bien une journée qu'il marchait dans ces fichus bois, sans véritablement avancer. Le thaumaturge lança donc un sort de détection au clair de lune, afin de repérer quelques signes de vie. Hormis, quelques petits loups, et deux mort-vivants, il ne repéra qu'un barbare et une créature inconnue. Sans doute cette dernière pourrait-elle l’aider, quand au barbare il valait moins encore que les loups: Zach détestait ces brutes. Il se dirigea donc vers la créature intelligente et le barbare. Lorsqu'il les aperçu enfin, il les vit en train de se battre: qu'attendre d'autre d'un barbare après tout? Celui-ci justement semblait en mauvaise posture, son adversaire était sur le point de l’achever. Cependant ce dernier mettait le thaumaturge mal à l'aise: une créature magique dégageant une aura aussi négative ne saurait lui être d'aucune aide. Aussi le mage décida-t-il de faire une chose qu'il n'aurait jamais pensé possible: venir en aide à un barbare!
Chaque battement de cœur de Phaelgalis, sonnait comme le carillon de l'inéluctable: l'incarnation de la mort se rapprochait peu à peu de lui. Pourtant il hésitait, même face à ce destin horrible, à recourir à ce fameux pouvoir. Le crâne du barbare allait voler en miettes sous le poids de l’engin de mort du monstre, lorsqu' une langue de flammes ardentes dévora celui-ci. Zach venait de lancer le terrible sort du souffle draconique de Tanzar, ce qui donna lieu à un spectacle pyrotechnique haut en couleurs. Désormais vidé de son énergie, il espérait que le barbare aurait assez de jugeote pour se montrer reconnaissant. Quoique dans son état celui-ci n'eut pût faire grand chose. Phaelgalis quand à lui ne savait pas trop comment réagir face à ce nouveau venu. Ami ou ennemi? Telle était la question.
« Salut à toi Barbare! On dirait que je viens de te sauver d'une mort fort désagréable. Je me nomme Zacharius Ombrecieux, mage à la cour du roi Dekon. Comment te prénommes tu et par quel funeste hasard t’es-tu retrouvé en si fâcheuse position?
-Mon nom est Phaelgalis, et j'ignore si je dois t'en dire plus tant que je ne connais pas tes intentions, mage de la cour du « roi des cons »
- Heu tu fais erreur c'est le roi Dekon, et je ne te veux aucun mal. Je suis juste perdu et désire retrouver le chemin de la civilisation.
-Hum... je veux bien te croire je n'ai pas le choix de toutes façons. Je me suis retrouvé ici après une petite bagarre amicale dans une auberge. J'allais m'en retourner me coucher quand ce... cette chose m'a attaqué. J'étais sur le point de m'en défaire, mais tu m'as devancé apparemment, mage de la cour du roi "déconne".
-J’en suis heureux, répondit-il guère convaincu. Dis, sais- tu comment sortir de cette forêt? Tiens bois cette potion de soin et vois si tu peux te lever »
Le blessé but goulûment le breuvage et senti sa douleur fortement diminuer, il se releva péniblement :
« -Bien, merci Zacharius! Tu vas rire mais j’ignore où se trouve la sortie de ce bois. Enfin on va bien en trouver une, hein!
- Ha ça! Tu viens de profiter de moi sale barbare, tu n'es qu'un fourbe, un...
-Stop! On se calme, je ne sais pas où se trouve la sortie, mais je vais la trouver, je suis un pisteur hors pair. Cesse donc de t'inquiéter, je tiendrais ma part du marché. Et puis......... Bon sang, ATTENTION!! »
La créature se tenait là derrière le mage, un rictus mauvais aux lèvres. Elle était grièvement brûlée mais encore en état de se battre. La moitié gauche de son visage s'était détachée, laissant apparaître un crâne couleur sang. Une odeur de chair carbonisée embaumait l'air, tant et si bien que les deux compères en eurent la nausée. Au vu de leur état actuel, une seule solution s'imposait: fuir! Ils prirent donc leurs jambes à leur cou et détalèrent comme des gobelins devant un bain! La créature émit un cri ignoble et s'élança à leur poursuite. Désormais il s'agissait d'une course pour la vie: ralentir signifiait la mort, et la moindre chute ne pardonnerait pas. Le cœur battant, Phaelgalis et Zacharius fendirent donc la bise aussi vite qu'ils purent, en ne se fiant qu’au seul instinct du guerrier pour les guider. Une succession de buissons, d'arbustes et autres embuscades s'offrit à eux, mais mus par l'énergie du désespoir ils les dévorèrent tous. Jamais on ne vit un mage courir aussi vite, et Phaelgalis aurait bien ri si la situation n'était pas aussi grave.
Hélas les robes ne sont guères pratiques pour courir, ça s'accroche partout et on trébuche pour un rien c'est pas les femmes humaines qui diront le contraire: ce qui devait arriver arriva. Zacharius trébucha se tordant la cheville dans la foulée. Phaelgalis n'eut d'autre choix que de s'arrêter pour faire face: c'était vraiment stupide songea-t-il, ce mage n'était rien pour lui et il n'avait pas l'âme d'un paladin. Comme le démon arrivait à une vitesse hallucinante, prêt à réduire en charpies les improbables compagnons d'infortune, il se heurta contre un mur de lumière.
Fidèle à son habitude, Anomen fit une entrée fracassante, dans le plus pur style épique, en prenant une posture triomphale que n’auraient pas renié les héros des temps passés. Son sort de protection contre les forces du mal avait fonctionné à merveille: il était arrivé à temps!
« -Sale engeance des ténèbres! Péris sous les coups de mon épée de justice, moi Anomen le paladin serais sans pitié!
- Ouais, Anomen tu peux abréger, s'il te plait, j'ai la dalle moi, alors tue le vite qu'on en finisse!
-Pourquoi faut-il toujours que tu sabotes mes entrées?! Bon ben c'est plié maintenant, autant en finir! »
Le paladin brandit son épée qui rayonna d'un éclat sans pareil, transperçant la pénombre comme une lance. Le spectacle était féerique, un peu comme sur les fresques du temple du dieu de la Lumière Azun dans la ville sainte. Visiblement entravé par la clarté ambiante, le monstre hurla de douleur lorsque le paladin le frappa au torse. Mais il était décidément coriace, et réussit à repousser l'assaut du chevalier d’un revers de fléau. En se concentrant il parvint même à reformer en partie la zone de ténèbres qui l'entourait. Le combat n'était pas encore gagné et même les pouvoirs d'un paladin ne semblaient pouvoir en venir à bout! Un combat acharné pour leur survie s’annonçait. Cependant, alors que la tension était à son comble, la créature disparut soudain dans un maelstrom ténébreux, tandis que les premiers rayons du soleil pointaient à l'horizon. Incrédules, les compagnons réalisèrent qu'ils étaient tirés d'affaire!
« -Au moins on connaît son point faible! »Lâcha le mage tout sourire.
Il poussèrent tous trois un profond soupir de soulagement et le groupe s'en retourna à la taverne du Dragon enrhumé, panser les diverses blessures et fêter cette « victoire » si durement acquise.