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  • La rage au ventre: Berserk le manga maudit

    medium_berserk_1.jpgLe conte de fées à la Miyazaki, le shônen à l'humour gras et le shojo à l'eau de rose ne forment qu'une partie de l'univers manga. Souvent délaissé le genre seinen recèle pourtant des perles souvent incomprises. Berserk en fait sans nul doute partie. Manga à l'univers torturé à souhait il s'avère ultra violent, truffé de scènes malsaines et parfois chaudes. Lecteur prude si la vue de tripes sanguinolentes suspendues dans les airs, de cadavres en décomposition et d'invididus démembrés te révulse : passe ton chemin! "Ce n'est plus un conte pour enfants (...) mais un conte sanglant pour adultes": Guts le héros de cette fresque diabolique ne fait aucun mystère là dessus! Alors si tu n'as pas pris de petit dej' et te sens d'attaque : bienvenue dans le microcosme sombrissime de Berserk...

     

    Au risque de me répéter dans mes mises en garde: oubliez toutes vos conceptions morales, ne jugez pas le manga après un tome mais appréhendez cette histoire dans sa globalité! Guts est un des héros tragiques les plus marquant du monde du manga. Beaucoup de gens y verront un rustre, une véritable machine à tuer avec autant de personnalité qu'un sosie de Sarkozy. Effectivement Guts ressemble à ses débuts à n'importe quel soldat de base, obéissant aux ordres et découpant en rondelles sur demande. Le personnage en lui même ne prend toute sa mesure que lorsqu'on se penche sur la genèse de ce "monstre à visage humain". Oubliez la fantasy idyllique avec le gentil chevalier propre sur lui, blond aux yeux bleus, avec une gentille princesse à sauver qui l'aime comme un fou.

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    Le personnage du chevalier noir qu'incarne Guts est avant tout le produit d'une société de guerre permanente, où l'enfance est bafouée et les plus forts pillent, violent et massacrent à loisir. On peut y voir une parenté avec Ken le survivant (dont je suis pas vraiment fan) mais celle ci montre vite ses limites. Là où Ken le survivant prend place dans un monde post apocalyptique, Berserk prend ses racines dans la guerre et les travers d'une société sur la pente glissante de la décadence. A ce titre au delà du contexte de l'histoire, ce manga est une fresque intemporelle sur l'ignominie de la nature humaine lorsqu'elle est poussée dans ses derniers retranchement en temps de guerre. Les références et valeurs que nous tenons pour acquises apparaissent soudainement obsolètes face à la rudesse de ce monde. Ces même références vont d'ailleurs être renversées par Keitaro Miura: des chevaliers charismatiques et des leaders messianiques il y en aura pendant un temps... mais ce sera simplement pour en montrer la face cachée. Griffith grand seigneur de guerre dissumule sous ses airs angéliques la pire nature qu'il soit et fait montre d'un égoisme sans bornes. Guts cependant le considérera très longtemps comme son seul ami et la troupe du faucon comme sa seule famille: ce qui rendra la trahison ultérieure d'autant plus douloureuse.

     

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    Le cynisme de ce manga est parfois désespérant mais en même temps fascinant. Ca doit sans doute tenir à ma nature profonde cachée de malade mental (mouhahahaha!!). Les questions posées par Berserk sont multiples bien que relativement classiques: la voie du guerrier et les sacrifices qu'elle impose, la soumission ou au contraire la révolte à l'encontre du destin, la frontière entre l'humanité et la monstruosité si tant est qu'il y en aie une... Je ne sais pas par où commencer honnêtement! Moi je vois en Guts l'incarnation de la révolte  dans toute sa dimension chaotique: un gosse sans cesse maltraité par le monde, auquel le droit même de vivre est refusé et qui n'a comme seul appui qu'une épée gigantesque à la mesure de son impuissance. Il se rebelle contre son destin et se taille une voie à la pointe de l'épée à l'aveuglette, et lorsque enfin il trouve l'amour et quelque chose à laquelle il tient, lorsque son "humanité" fait jour, on lui retire tout brusquement! Le héros de ce manga est très fort en apparence, mais en réalité il est faible au plus profond de lui et manque d'assurance. Il souffre terriblement dans sa chair et dans son âme et c'est ce qui le rend si attachant. Guts n'est pas un chevalier, c'est un type comme un autre qui n'a pas eu de pot, à qui on n'a jamais donné d'affection, mais qui a la particularité de ne jamais abandonner quitte à péter les plombs...

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    Raah franchement parler de Berserk n'est pas chose aisée: c'est vraiment le chef d'oeuvre maudit du manga moderne! On peut en hair beaucoup d'aspects et pourtant rester scotché par sa beauté et la richesse de son univers. Son esthétique est malsaine mais tellement réussie à la fois. Son héros est monstrueusement violent tout en restant monstrueusement humain. Quand une oeuvre se joue des limites morales, vous met mal à l'aise tout en gardant un côté artistique et en vous amenant à vous poser autant de questions c'est qu'elle est réussie à mon sens. Mon avis suscitera sans doute la controverse car la violence n'a pas bonne presse de nos jours. Pourtant je vois en cette oeuvre un cri du coeur! Toute ma douleur, mes frustrations et pulsions violentes s'estompent en la lisant. Berserk est réellement atypique et jongle entre plusieurs étiquettes allant du gothique au récit épique. Le lecteur qui lui donnera une chance se retrouvera un peu dans la position de l'elfe Puck: souvent choqué mais en même temps intrigué , et suivra ce héros tout au long de sa descente aux enfers avec l'espoir qu'il trouvera une forme de rédemption, ou pas.  Dans tous les cas c'est à vous de voir. On ne pourra cependant retirer à Berserk le mérite d'avoir bousculé la Fantasy et d'avoir inventé/renouvelé un genre.

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    PS: j'ai mis cet AMV car il est bien réalisé, mais il ne montre qu'un versant de la personalité de Guts. De plus il est réalisé à partir des tomes 17 à 31 et occulte ainsi toute la profondeur du personnage.